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SUR LES RAILS DE

L'HISTOIRE

Rails & histoire, l'Association pour l'histoire des chemins de fer vous propose de plonger dans l'histoire des chemins de fer au travers de nombreux domaines (législatifs, techniques, commerciaux etc...).Ces thèmes et dossiers seront amenés à évoluer au fil du temps : regroupements ou nouvelles déclinaisons pour les premiers, enrichissements pour les seconds.

Des filiales frigorifiques des Réseaux à la Société de transports et entrepôts frigorifiques 1919-40

Au 1er janvier 1940, l’essentiel des services jusqu’alors assurés par les filiales frigorifiques des Grands Réseaux (wagons, entrepôts, exploitation) est confié par la SNCF à la STEF.

Wagons et entrepôts frigoriques sont gérées avant-guerre par les filiales développées par les Grands Réseaux : CTF (PO), STEF (PLM, Nord, Est, AL) et SEF (Etat). Gallica/Revue générale du froid, mai 1939.
Wagons et entrepôts frigoriques sont gérées avant-guerre par les filiales développées par les Grands Réseaux : CTF (PO), STEF (PLM, Nord, Est, AL) et SEF (Etat). Gallica/Revue générale du froid, mai 1939.

Jusqu’en 1914, si l’on excepte les Chemins de fer de l’Etat, les grands Réseaux se sont tenus à l’écart du développement des premiers transports frigorifiques en France, abandonnant ce secteur à l’initiative privée (Société des wagons et entrepôts frigorifiques de France, Société des magasins et transports frigorifiques/J.-B. Rubaudo & Cie, Société française des wagons aérothermiques)[1]. L’entrée en guerre contre l’Allemagne va changer la donne. Les besoins des armées en viandes, notamment en viandes congelées, conduisent en effet les autorités militaires à accroitre le parc des wagons frigorifiques en s’appuyant essentiellement sur les Réseaux (réquisition et transformation de wagons de primeurs ordinaires). De quelque 360 unités à la veille du conflit, leur nombre fait plus que tripler, atteignant près de 1 300 en 1918. A ce matériel vient s’adjoindre, la paix signée, la quasi-totalité des 1 450 wagons frigorifiques laissés sur place par le corps expéditionnaire américains.


Particulièrement sollicités pendant la guerre, le PO et le PLM et se trouvent ainsi chacun à la tête d’un parc de wagons frigorifiques conséquent. Se pose dès lors la question de leur utilisation. Lors de son intervention en 1920 au 3e Congrès national du froid, Richard Bloch, chef de l’Exploitation du PO, s’interroge : « Ce matériel doit-il être exploité par les Réseaux eux-mêmes, ou doit-il être exploité par des tiers interposés ? » Rappelant la spécificité et le régime nouveau des transports frigorifiques, sa conclusion est sans appel : « … les réseaux, avec leur réglementation rigide, ne sont pas susceptibles de donner à cette exploitation une souplesse qui est nécessaire pour assurer son succès. » A l’appui de ses dires, il fait le parallèle entre les résultats obtenus avant-guerre par les Chemins de fer de l’Etat et par la branche "Transports frigorifiques" de la Société des travaux de ports et d’entreprises maritimes J.-B. Rubaudo & Cie : un relevé fait à l’arrivée de Paris avait montré que, en dépit d’un tarif plus attractif, le tonnage collecté sur le Réseau de l’Etat n’avait pas atteint en moyenne, par wagon, la moitié du tonnage collecté par la compagnie privée sur le Réseau d’Orléans[2].



De nouvelles filiales pour l’exploitation des wagons frigorifiques


Publicité CTF. Gallica/RGDF, 1933.
Publicité CTF. Gallica/RGDF, 1933.

S’inspirant des travaux de la Commission de l’outillage frigorifique créée au ministère des Travaux publics le 17 octobre 1917, le PO et le PLM décident donc la création de deux filiales plus spécifiquement chargées de l’exploitation des wagons en question et, le cas échéant, de la gestion d’entrepôts frigorifiques embranchés au rail : Compagnie de transports frigorifiques (CTF) pour le PO en mars 1919 ; Société française de transports et entrepôts frigorifiques (SFTEF [3]) pour le PLM en avril 1920. Principaux souscripteurs, le PO le PLM font cependant en sorte d’ouvrir leur capital à des entreprises tiers. Entrent ainsi au capital de la CTF la Compagnie du froid sec et la Compagnie de navigation Sud-Atlantique ; à celui de la STEF la Société des abattoirs et entrepôts frigorifiques, la Banque de Paris et des Pays-Bas, la Société des glacières de Paris et la Société des docks et entrepôts de Marseille. A leur demande, les Réseaux du Nord et de l’Est sont admis au sein de la STEF en août 1920, celui d’Alsace et de Lorraine (AL) en mai 1930, ce qui entraîne à chaque fois une augmentation du capital correspondant à leurs apports respectifs.


Dans un premier temps, la position du Réseau de l’Etat va à l’encontre de celles du PO et PLM. En effet, bien que pionnier en la matière, il renonce au sortir de la guerre à rétablir les services de ramassage à destination des petits expéditeurs tels qu’il les avait organisés de 1903 à 1914 pendant la saison d’été[4]. Alors que la CTF et la STEF entrent résolument dans cette voie, il s’en détourne préférant laisser aux intérêts privés (groupements et associations) le soin d’organiser eux-mêmes ces roulements, dont quelques-uns désormais proposés l’hiver. Pour se faire, le Réseau met leur disposition des matériels à louer au mois avec, au choix, des wagons ordinaires à charge pour eux de les aménager à leurs frais en fonction de leurs besoins, ou des wagons déjà équipés en ce sens. Certains vont plus loin en acquérant leurs propres wagons. Les prestations proposées répondant plus à des envois groupés, les petits expéditeurs, lésés, finissent par faire pression auprès du Réseau pour qu’il renoue avec l’organisation d’avant-guerre. Celui-ci, confronté par ailleurs aux ingérences croissantes sur son territoire de la CTF et de la STEF, finit par leur donner satisfaction par avec la création, en novembre 1927, de la Société d’exploitation des wagons frigorifiques (SEF). Celle-ci devient opérationnelle en mars 1928 après avoir pris possession des wagons promis par le Réseau.


Publicité STEF, Gallica/RGDF, 1932.
Publicité STEF, Gallica/RGDF, 1932.

Ainsi que précisé plus haut, le PO tout comme le PLM, le Nord et l’Est ont fait en sorte de se réserver la majorité du capital de la CTF et de la STEF, chose faite en tant que compagnies privées par recours à leurs domaines privés. A l’inverse, le capital investi par les Chemins de fer de l’Etat et l’AL, deux administrations publiques d’Etat, dans la SEF pour l’une, dans la STEF pour l’autre, a été assuré par le fonds de réserve des primes constitué conformément à l’article 14 de la convention ferroviaire du 28 juin 1921 [5].


L’objet premier de la CTF, de la STEF et la SEF est, comme il a été dit, d’assurer l’exploitation des wagons frigorifiques des Réseaux. A cet effet, des conventions portant la location aux premières des wagons propriété des seconds sont signées les 4 octobre 1919 (CTF/PO), 3 septembre 1920 (STEF/PLM) et 14 janvier 1928 (SEF/Etat). Les conventions passées avec la CTF et la STEF sont rédigées dans les mêmes termes. Elles spécifient que le contrat, conclu pour un an avec tacite reconduction, peut être résilié par chacune des deux parties, sans indemnité, moyennant un préavis de six mois. La redevance versée à la maison-mère est annuelle, variable selon les caractéristiques des wagons et dans le temps. Elle englobe la location et l’entretien du matériel. Les transformations et améliorations apportées aux matériels loués sont également assurées par le Réseau mais facturées. La convention signée avec la SEF diffère quelque peu : trois ans avec tacite reconduction, préavis de six mois, frais d’entretien et de transformation à la charge de la filiale.


Publicité SEF, Chronique des transports.
Publicité SEF, Chronique des transports.

A la date de la signature des conventions, les parcs loués à la CTF et à la STEF se composaient essentiellement des wagons couverts à primeurs qui, réquisitionnés en 1915, avaient été transformés en isothermes sous le générique de type « Guerre » [6]. Le parc de la CFT affichait 201 unités de ce type, celui de la STEF 500. Leur sont adjoints les wagons à bogies du corps expéditionnaire américain : 1013 pour la CTF, 200 pour la STEF, la grande majorité isothermes, quelques-uns réfrigérants (bacs à glace). Si les wagons donnés en location à la STEF sont issus essentiellement du PLM, certains le sont aussi par le Nord. Il en est ainsi notamment, en février 1923, des 71 wagons de la Société des wagons aérothermiques – 66 isothermes dont 2 à bogies et 5 réfrigérants avec bacs à glace – acquise depuis peu par ce Réseau [7]. En revanche l’Est, puis ultérieurement l’AL, ne confièrent jamais aucun wagon à la STEF [8]. Apparue plus tardivement, la SEF reçoit en location 389 wagons frigorifiques de types divers, dont le contingent des 200 wagons américains initialement versés aux Chemins de fer de l’Etat et de 50 autres remis ultérieurement par le PO en échange de wagons tombereaux. Ce parc ne comprend pas la centaine de wagons loués aux particuliers ou leur appartenant en propre.



La STEF investit ses bénéfices dans de nouveaux wagons


Exposition de la STEF en gare de la Chapelle le 23 avril 1931 : wagons à primeurs Express et wagons-citernes à lait. Archives Nord/ANMT.
Exposition de la STEF en gare de la Chapelle le 23 avril 1931 : wagons à primeurs Express et wagons-citernes à lait. Archives Nord/ANMT.

Ne possédant aucun wagon en propre, les filiales frigorifiques restent longtemps tributaires des Réseaux qui, il faut le reconnaître, font leur possible pour étoffer, renouveler et assainir leurs parcs en leur fournissant des unités nouvellement construites ou transformées à partir d’anciens matériels [9]. Cependant, après quelques années d’existence, les filiales commencent à acquérir sur leurs bénéfices des wagons en toute propriété. La STEF ouvre la voie jugeant les cessions du PLM insuffisantes pour répondre à la demande. Elle rachète ainsi en 1925, à une société privée, 21 wagons réfrigérants à deux essieux pour le transport des viandes fraîches suspendus. Elle franchit une nouvelle étape en 1930 en passant commande à son compte d’une série de 70 wagons du type « Express » (où « lourd ») qui ont pour première particularité de pouvoir entrer dans la composition des trains rapides. La commande porte sur 50 isothermes à marée et 20 réfrigérants à primeurs [10]. Ces derniers sont une première en France pour le transport de cette catégorie de denrées. Ils sont appelés à répondre à la concurrence des primeurs italiens à destination des marchés allemands qui prennent le pas sur les expéditions françaises grâce, précisément, à l’utilisation de wagons réfrigérants couplée à des stations de préréfrigération (Vérone, Bologne, Milan). Livrés au printemps de 1931 [11], les nouveaux wagons, à deux essieux, ont pour agencements principaux deux portes latérales de chaque côté pour faciliter le chargement et déchargement ; quatre planchers, dont trois mobiles pour charger les colis sans écrasement ; l’installation sur le plancher inférieur d’un caillebotis permettant la circulation de l’air à la base même du chargement ; la présence à chaque extrémité du wagon : à l’intérieur, d’un panier à glace d’une capacité de 1 000 à 1 200 kg, à l’extérieur, de huit aérateurs réglables autorisant une aération régulière de chaque plan de chargement. Une partie est aussitôt employés au transport des fruits d’Espagne au départ de Cerbère et des fleurs de la Côte d’Azur sur Paris et l’Angleterre, une autre est mise à contribution pour des campagnes d’essais qui se poursuivent jusqu’en 1932. Quatre des wagons utilisés à ces essais sont dotés de turbines d’aération Flettner. Ces turbines, installés en toiture à raison de huit par wagon, avaient pour objet de créer à l’intérieur une ventilation forcée en aspirant l’air à la partie supérieure de la caisse et en le refoulant sur la glace. Par ce procédé, la température moyenne relevée s’est maintenue à 12° dans la partie supérieure du wagon et à 1° dans sa partie inférieure, contre 10° et 4° pour un wagon normal. La décision est prise d’étendre les turbines à tous les wagons réfrigérants du type Express.


Idem : Exposition de la STEF en gare de la Chapelle le 23 avril 1931 : wagons à primeurs Express et wagons-citernes à lait. Archives Nord/ANMT.
Idem : Exposition de la STEF en gare de la Chapelle le 23 avril 1931 : wagons à primeurs Express et wagons-citernes à lait. Archives Nord/ANMT.

D’autres commandes de matériels suivent. Elles portent essentiellement sur des isothermes du type Express mais aussi du type « Messagerie ». Notons la commande en 1932 de 100 réfrigérants lourds au gabarit anglais dans l’optique d’une ouverture prochaine d’un service de ferry-boats sur la Manche au départ de Dunkerque.


La STEF investit encore dans des matériels inhabituels. A commencer par les wagons-citernes pour le lait introduits en France par Les Messageries laitières, qui exploitent à cet effet les deux gares laitières du Chevaleret à Paris-Ivry (1930) et de Vouillé à Paris-Vaugirard (1931) [12]. Conscient de la concurrence qu’ils font peser sur le transport traditionnel par bidons, la STEF réagit très tôt et convie dès 1928 les trois principales laiteries françaises – Société laitière Maggi, Les Fermiers réunis, La Société moderne de Lyon – à un voyage d’études en Angleterre où les wagons-citernes à lait sont monnaie courante. Il en résulte la commande d’une première série de 19 wagons-citernes en acier inoxydable : 11 à citerne unique fixe (de 6000 litres pour 4, de 12 000 litres pour les 7 autres, chacun complété par deux coffres isothermes pour produits laitiers, beurre, crème, fromage etc.) et 8 à cinq citernes amovibles (de 2 500 litres chacune). Deux unités, l’une à citerne unique, l’autre à citernes amovibles, sont exposées en avant-première le 23 avril 1931 en gare de Paris-Nord-la Chapelle (cour Maubeuge). Ces wagons entrent officiellement en service le 1er janvier 1932, étrennés par la Société laitière Maggi qui disposent des gares laitières d’Est-Flandres (1932) et de La Chapelle-Charbons (1934). Une installation similaire sera ultérieurement aménagée à Bercy [13].


Idem : Exposition de la STEF en gare de la Chapelle le 23 avril 1931 : wagons à primeurs Express et wagons-citernes à lait. Archives Nord/ANMT.
Idem : Exposition de la STEF en gare de la Chapelle le 23 avril 1931 : wagons à primeurs Express et wagons-citernes à lait. Archives Nord/ANMT.

Un autre matériel adopté par la STEF est le « cadre » frigorifique (conteneur). Une première étude menée en 1929 portant sur le transport de denrées périssables, notamment à destination et en provenance de l’Angleterre, avait été abandonnée faute d’un nombre suffisant d’expéditeurs intéressés. En 1931, devant le développement du transport par cadre, le Nord incite la STEF à reprendre le dossier. A titre d’expérimentation, deux cadres réfrigérants rachetés à la Société de transports et manutentions industrielles sont mis en service pour le transport de viandes fraîches entre l’Algérie, Marseille et Paris. En juin 1932, la STEF réfléchit à la construction de dix cadres qui seraient utilisés de préférence pour les courants de trafic donnant lieu à un ou plusieurs transbordements, de l’Algérie vers la France et de l’Espagne vers l’Angleterre. Une mission est chargée de se rendre en Espagne à cet effet, suivie d’une autre en Algérie et au Maroc en 1933. L’action de cette dernière se concrétise par l’envoi d’Alger à Marseille et à Paris de trois cadres à bacs à glace préréfrigérés chargés de primeurs pour les deux premiers (en mai et juillet), de carcasses de mouton pour le dernier (en mai). Le succès de l’opération conduit la STEF à entreprendre sans plus attendre la construction de 20 cadres réfrigérants d’un volume charge utile de 7 m3 (isolation en liège compensé et panier à glace d’une contenance de 600 kg). Les premiers sont présentés en gare de la Chapelle le 23 novembre 1932. Une commande complémentaire de 50 unités de trois types (de 7 à 2,7 m3 de charge utile) suit en 1933, certaines étant destinées plus spécifiquement au transport des fruits espagnols, au départ même des lieux de production. Salué au départ comme une initiative d’avenir, le transport des viandes de mouton par cadres s’avère cependant vite trop onéreux. Il est supplanté à partir de 1935 par le retour à l’ancienne organisation associant le recours aux chambres froides des bateaux assurant la traversée au départ d’Alger (les bêtes sont amenées par chemin de fer ou camions jusqu’au port où elles sont abattues avant chargement) et aux wagons frigorifiques de Marseille à Paris. Les derniers cadres à l’effectif sont vendus en 1937.


Plaquette de présentation du cadre isotherme-réfrigérant de la STEF. Archives Nord/ANMT, 1933.
Plaquette de présentation du cadre isotherme-réfrigérant de la STEF. Archives Nord/ANMT, 1933.

La STEF ne cesse de multiplier les commandes de nouveaux matériels. Ainsi, en exécution des marchés passés en 1937, les constructeurs lui ont livré, au cours des six premiers mois de 1938 pas moins de 191 wagons : 60 isothermes spéciaux pour le transport de la marée de Boulogne-sur-Mer, 40 isothermes spéciaux pour le transport du lait en bidons, 25 réfrigérants aménagés pour le transport des viandes fraîches, 65 réfrigérants aménagés pour le transport des fruits et primeurs, 1 réfrigérant spécial pour le transport de demi-bœufs.



Les entrepôts frigorifiques, un complément indispensable


Publicité CTF. Gallica/RGDF, 1939.
Publicité CTF. Gallica/RGDF, 1939.

Indépendamment de la gestion des wagons, les filiales frigorifiques, dès leur constitution, étendent leur activité à l’exploitation d’entrepôts frigorifiques raccordés à la voie ferrée. Entrepôts qu’elles contrôlent à des hauteurs différentes selon qu’ils relèvent d’investissements directs ou de prises de participations par les sociétés-mères.


Fin 1919, la PO lance les travaux de l’entrepôt de Paris-Ivry en avant de la gare de Paris-Austerlitz. Etabli à partir des plans établis par, la Compagnie française du froid sec, l’un des actionnaires de la CTF, il est inauguré le 7 juillet 1921. La CTF, qui en assure la gérance, peut également s’appuyer sur trois autres établissements frigorifiques dont elle contrôle une partie du capital :

  • entrepôt de Bordeaux-Bassens de la Compagnie des entrepôts frigorifiques et docks de la Gironde (1921), avec pour associés la Compagnie des docks frigorifiques de Bordeaux et les Chargeurs réunis ;

  • entrepôt de la Compagnie des docks frigorifiques du Havre (1922), avec pour associés la Banque de Paris et des Pays-Bas, les Chargeurs réunis et la Société des frigorifiques de l’alimentation havraise ;

  • entrepôt du port de Lorient-Keroman (inauguré en 1920, ouvert en 1922) de la Compagnie générale de pêche maritime et d’approvisionnement en poisson.


A l’inverse des deux premières compagnies citées qui sont propriétaires de leurs entrepôts, la Compagnie générale de pêche maritime n’est que l’exploitant de celui de Lorient-Keroman (la gérance lui en sera retirée en 1924 au profit de la chambre de commerce locale) construit par la ville sur les plans, là aussi, de la Compagnie française du froid sec [14].


En 1931, le PO prend le contrôle de la Compagnie des entrepôts frigorifiques et docks de la Gironde – fragilisée par l’augmentation des droits de douane sur les viandes congelées décidée en 1928 – et en confie la gérance à la CTF qui compense cette perte par la conservation des morues fraîches (en collaboration avec la Société des pêcheries et sécheries de Bordeaux-Bassens).


De son côté, la STEF collabore activement, aux côtés du PLM, à la création de la gare frigorifique de Paris-Bercy (1923), établie en sous-sol de la gare marchandises de La Rapée-Bercy et aux entrepôts frigorifiques de Dijon (1926), de Toulon (1931), de Strasbourg (1935) et d’Avignon (1936) [15]. Elle est également associée à la prise de participation du capital par le PLM dans la Société des entrepôts frigorifiques lyonnais (EFL), fondée en 1921 de concert avec la Compagnie lyonnaise de glace hygiénique et la Société lyonnaise du froid industriel. Les EFL supervisent la construction de l’entrepôt de Lyon-Perrache (ouvert en 1923, agrandi en 1929 et 1931) et la prise de contrôle en plein centre de Lyon du vieil entrepôt de la rue Tupin (édifié en 1904, reconstruit en 1911 et modernisé en 1925) par absorption de la Société lyonnaise du froid industriel. L’entrepôt de Valence (1936) est une autre création des EFL. Partenaires de la STEF, dont ils utilisent le matériel, ceux-ci ne conservent pas moins leur indépendance commerciale et nombre de services de point à point sont proposés en leur nom propre.


La STEF tisse également des liens privilégiés avec la Compagnie des docks et entrepôts de Marseille qui se dote d’installations frigorifiques entre 1912 et 1922 en bordure immédiate de la gare maritime de la Joliette.


Publicité Entrepôt frigorifique de Paris-Vaugirard. Gallica/Annuaire du commerce Didot-Bottin, 1927.
Publicité Entrepôt frigorifique de Paris-Vaugirard. Gallica/Annuaire du commerce Didot-Bottin, 1927.

Le PLM et la STEF marchent également coude-à-coude dans la formation des sociétés visant à doter d’établissements frigoriques deux des plaques tournantes économiques suisses : la Société des gares frigorifiques, entrepôts et ports francs pour Genève-Cornavin (1928), et la Société des entrepôts frigorifiques de la gare de Bâle pour Bâle (1933) [16].

Enfin, en 1931, le rapprochement entre le Syndicat des exportateurs en gros du Roussillon et de la Compagnie du Midi pour la construction d’un entrepôt frigorifique à Perpignan (primeurs) et de stations de préréfrigération à Hendaye et à Cerbère (fruits espagnols), conduit la STEF à envisager une participation à ces projets. L’entrepôt de Perpignan, dont le dossier est repris en 1941, sera mis en service en juin 1944.


Le frigo-consigne de Barbezieux exploité par la Société des entrepôts frigorifiques de Paris-Vaugirard. Gallica/Je sais tout, octobre 1932.
Le frigo-consigne de Barbezieux exploité par la Société des entrepôts frigorifiques de Paris-Vaugirard. Gallica/Je sais tout, octobre 1932.

La SEF peut, elle, compter sur la Société du frigorifique de la gare de Paris-Vaugirard, dont les promoteurs étaient entrés en pourparlers avec les Chemins de fer de l’Etat dès 1917. Une première convention avait été signée entre les deux parties le 22 novembre de cette même année, soit trois ans avant sa création officielle en décembre 1922. Cette convention spécifiait que le Réseau apporterait une aide financière au projet d’entrepôt et leur louerait pour une durée de 18 ans (à partir du 1er janvier 1919) les terrains nécessaires à sa construction, étant entendu que le bâtiment lui ferait retour en fin de bail. De leur côté, les promoteurs s’étaient engagés à verser au Réseau un pourcentage des recettes brutes de l’entreprise à partir du 1er janvier 1920. Mais si l’entrepôt avait bien été ouvert en juin 1922 (et agrandi en 1925), rejoint en 1923 par une succursale au Mans, la Société du frigorifique avait été très vite en difficulté financièrement et ne s’était maintenue à flot que grâce aux arrangements successifs que lui avait consenti le Réseau de l’Etat. Cependant, se considérant comme un « véritable associé », elle avait tout fait pour que son entrepôt puisse répondre aux attentes des Chemins de fer de l’Etat, au détriment de ses projets d’essaimage en province, à Rennes notamment.

Le seul autre investissement des Chemins de fer de l’Etat en matière d’entrepôts frigorifiques est sa prise de participation dans la Compagnie des docks frigorifiques du Havre par rachat, en 1927, des parts de la Société des frigorifiques de l’alimentation havraise, soit un quart du capital, ce qui place la SEF à égalité avec la CTF.

Cela n’empêche pas la SEF de travailler étroitement avec d’autres frigorifiques embranchés libres de tous liens financiers, au premier rang desquels ceux la Société des entrepôts frigorifiques de La Rochelle-Pallice.


Enfin, il faut citer l’expérience des « frigo-consignes » destinés à répondre au souhait de la Société des agriculteurs de France et de syndicats locaux d’expéditeurs de pouvoir bénéficier au niveau local d’une préréfrigération des denrées en attendant le passage en gare des wagons frigorifiques (délai pouvant atteindre jusqu’à trois jours). A titre d’essai, la construction de quatre chambres froides de 3,50 m sur 3,50 m et 2,50 m de haut isolées au liège, est confiée en 1932 à la Société des entrepôts frigorifiques de Paris-Vaugirard. Exploités par cette même société, ces frigo-consignes, dont la température est maintenue entre + 10° et + 15° par un compresseur, sont implantés dans les emprises des gares de Barbezieux (Charente), Baignes-Touverac (Charente), Bédenac (Charente-Maritime) et La Chaize-le-Vicomte (Vendée). Les trois premiers, situés sur la ligne de Châteauneuf à Saint-Mariens, dont celui de Barbezieux ouvert le 6 juin, sont conjointement inaugurés par Raoul Dautry, le directeur général du Réseau de l’Etat, le 16 juillet. Toutefois, quoique de prime abord jugée concluante – des frigo-consignes sont prévus à Thouars, Lison, Vire, Niort, Mézidon, Saint-Lô, Montebourg et Argentan –, l’expérience en restera là. Dans le même esprit, afin cette fois-ci de ne pas interrompre la chaîne du froid, le PLM mettra à disposition des petits expéditeurs des cadres réfrigérants dans plusieurs gares d’arrivée le temps que la marchandise soit retirée.



Isotherme et réfrigérant, à chacun sa fonction


L’exécution des transports frigorifiques par le rail repose sur l’utilisation de deux types de wagon, isothermes et réfrigérants.


Les wagons isothermes permettent de transporter les denrées ou productions périssables susceptibles de se détériorer soit par suite d’une élévation de la température, soit par suite d’un refroidissement allant jusqu’à la gelée. Les parois de ces wagons sont parfaitement isolées (liège expansé, varech, etc.) ainsi que leurs portes dont la fermeture est étanche. Leur caractéristique essentielle consiste dans ce fait que l’échange de température entre l’intérieur du wagon et l’atmosphère extérieure ne s’effectue que très lentement. Il en résulte que la marchandise tend à conserver pendant son séjour en wagon la température qu’elle avait au moment de son embarquement. Si les produits à transporter craignent l’élévation de la température et s’ils ne sont pas congelés, on obtient d’excellents résultats en les refroidissant préalablement (préréfrigération soit dans des chambres froides, soit dans les wagons mêmes). Si au contraire ils craignent la gelée, comme les eaux minérales et certains fruits, ils sont chargés à une température convenable dans ces wagons préalablement réchauffés. Les isothermes peuvent être utilisés les denrées et produits périssables suivants :

  • en toute saison, poisson frais en caisses glacées, viandes congelées, beurres congelés, œufs congelés, œufs en coque sortant de frigorifiques, volailles et gibiers congelés ou frais emballés dans la glace ;

  • en saison froide, huîtres, fruits et primeurs, tubercules pour semences, eaux minérales, vins en bouteilles, plantes vivantes.

De même que les isothermes, les wagons réfrigérants s